Quand le Juge choisit le traitement le plus approprié

Télécharger la version PDF. Lettre d’information septembre 2017

Aux termes d’un arrêt rendu cet été par le Conseil d’état (CE, Juge des référés, 26 juillet 2017, 412618), la plus haute juridiction administrative s’est prononcée sur l’opportunité d’administrer un traitement médical plutôt qu’un autre.

Un enfant de 10 ans en rémission d’une leucémie aiguë, a contracté une encéphalite-herpétique en mai 2016, pathologie ayant provoqué de graves séquelles neurologiques.

Une récidive de la leucémie a été diagnostiquée en juin 2017.

Les médecins, compte tenu de l’état de santé altéré de l’enfant et du pronostic défavorable, ont décidé de mettre en place une chimiothérapie palliative, estimant que la chimiothérapie curative n’était pas adaptée.

Les parents de l’enfant s’opposant à cette décision, ont demandé la mise en place de la chimiothérapie curative.

S’étant vu opposé un refus de la part de l’établissement hospitalier, ils ont alors sollicité du Juge des référés du Tribunal administratif, entre autres demandes, qu’il juge que cette décision de refus constituait une atteinte grave et manifestement illégale à une ou plusieurs libertés fondamentales et qu’il ordonne en conséquence la mise en place, sous astreinte, du traitement de chimiothérapie curative.

Les parents ont porté le contentieux devant le Conseil d’Etat, le Juge des référés les ayant déboutés de l’ensemble de leur demande.

Aux termes de son arrêt, le Conseil d’Etat a confirmé la décision du Juge des référés.

Il considère que la chimiothérapie curative « ne constituait pas le traitement le plus approprié, compte tenu de la très forte probabilité de son inutilité, d’une part, et des grandes souffrances ainsi que des risques élevés qu’il entraînerait ».

Pour aboutir à cette conclusion, le Conseil d’Etat s’appuie sur « l’appréciation comparée, par les médecins du CHU de Montpellier, des bénéfices escomptés des deux stratégies thérapeutiques en débat ainsi que des risques, en particulier vitaux, qui y sont attachés ».

Puis, il procède à une véritable analyse de la balance risque/bénéfice, retenant trois arguments démontrant le caractère non adapté de la chimiothérapie curative.

Le premier élément porte sur la dangerosité du traitement : « le traitement est contre-indiqué, compte tenu des séquelles neurologiques de l’encéphalite herpétique dont a souffert (l’enfant) et des effets délétères des produits neurotoxiques qui devraient lui être injectés ».

Puis, le Conseil d’Etat examine la faisabilité du traitement au regard de la capacité du patient à le suivre : «  l’état d’agitation du patient rend techniquement difficile, eu égard au risque d’arrachage des perfusions et de nécroses cutanées subséquentes, la réalisation d’un traitement intensif dont l’efficacité suppose qu’il soit mené jusqu’à son terme ».

Enfin, le troisième argument conduisant le Conseil d’Etat à approuver le choix des médecins porte sur l’intérêt du traitement et ses chances de succès.

En effet, la juridiction retient que « l’objectif poursuivi par ce traitement, qui consiste en la réalisation d’une allogreffe de moelle (osseuse) en cas de rémission complète, n’est en tout état de cause pas susceptible d’être atteint ».

A l’appui d’une analyse rigoureuse, le Conseil d’Etat a conclu que la mise en œuvre d’une chimiothérapie curative comportait des risques importants, était difficilement réalisable et avait peu de chance de succès.

Le Conseil d’Etat a, en fait, décelé l’existence d’une obstination déraisonnable définie par l’article L1110-5-1 du Code de la santé publique, laquelle interdit de mettre en œuvre des soins disproportionnés et inutiles.

C’est pourtant sur le terrain du consentement que la haute juridiction va se placer estimant que « ces dispositions ni aucune autre ne consacrent, au profit du patient, un droit de choisir son traitement ».

Le Conseil d’Etat rappelle donc que le patient dispose d’un droit à recevoir le traitement le plus approprié et que le consentement qu’il donne aux soins lui permet seulement de refuser des soins et non pas d’imposer à son médecin la réalisation d’un traitement particulier.

Mes RACHET- DARFEUILLE  & THELOT