Tribunal administratif de Paris : décisions du 15 juillet 2015 n°1416868/2-1, 1416874/2-1, 1416876/2-1, 1416880/2-1, 1416881/2-1, 1422391/2-1 et 1422407/2-1 :
Le 15 juillet, dernier le Tribunal administratif de Paris a rendu sept décisions aux termes desquelles il a condamné l’Etat à indemniser des enfants autistes et leurs parents. Le tribunal a en effet constaté l’existence de carences de sa part dans la mise en œuvre des moyens nécessaires à la prise en charge pluridisciplinaire de ces enfants.
Intervenant dans le prolongement de nombreuses décisions européennes (Comité européen des droits sociaux, 4 novembre 2003 et 11 septembre 2013), ces décisions consacrent le principe de l’obligation de résultat de l’Etat en matière de mise en place des moyens nécessaires à la prise en charge pluridisciplinaire des enfants autistes, et illustrent parfaitement le manque actuel de moyens accordés à l’éducation de ces enfants.
Toutes rédigées au visa des mêmes articles (L.246-1 du Code de l’action sociale et des familles et L.112-1 du Code de l’éducation), elles estiment que « lorsqu’un enfant autiste ne peut être pris en charge par l’une des structures désignées par la CDAPH en raison d’un manque de place disponible, l’absence de prise en charge pluridisciplinaire qui en résulte est, en principe, de nature à révéler une carence de l’Etat dans la mise en œuvre des moyens nécessaires pour que cet enfant bénéficie effectivement d’une telle prise en charge dans une structure adaptée ».
Le Tribunal administratif de Paris ne se limite pas à simplement appliquer le raisonnement dégagé par le Conseil d’Etat dans sa décision du 16 mai 2011 puisqu’il développe les limites de son obligation de résultat, la soumettant à l’existence d’une décision de la CDAPH, sans laquelle l’étendue des obligations de l’Etat vis-à-vis de l’enfant ne peut être connue.
D’ailleurs, dans ces sept décisions, le Tribunal administratif déboute les requérants de nombres de leurs demandes aux motifs que « en l’absence de toute démarche engagée par les parents auprès de la CDAPH, la responsabilité de l’Etat ne saurait être engagée du fait de l’absence ou du caractère insatisfaisant de la prise en charge de leur enfant ».
Par ailleurs, le tribunal rappelle que seule une défaillance dans l’organisation du service public de l’éducation permet de mettre en jeu la responsabilité de l’Etat.
En l’espèce, cette défaillance est constituée par un manque de place dans les établissements désignés par la CDAPH ; en revanche « lorsque l’établissement désigné refuse d’admettre l’enfant pour un autre motif ou lorsque les parents estiment que la prise en charge effectivement assurée par un établissement désigné par la commission n’est pas adaptée aux troubles de leur enfant, l’Etat ne saurait, en principe être tenu pour responsable de l’absence ou du caractère insuffisant de la prise en charge ».
En effet, « l’Etat ne saurait être tenu responsable de l’orientation décidée » par la CDAPH et a seulement pour obligation de mettre en place les moyens nécessaires à l’application de cette décision.
En outre, l’existence d’une décision subsidiaire de la CDAPH, prise du fait de l’impossibilité d’exécuter la décision principale découlant d’une absence de place dans l’établissement désigné, ne s’oppose pas à la condamnation de l’Etat pour défaillance ni « une scolarisation pour une durée inférieure à celle préconisée par la CDAPH » et imposée par les absences d’une AVS.
La carence de l’Etat constitue une faute provoquant un préjudice moral dont l’enfant et ses parents sont victimes et que le Tribunal semble indemniser de manière forfaitaire à hauteur de 5.000 euros par année de défaillance pour l’enfant et de 3.750 euros par année de défaillance pour chacun des parents.
La reconnaissance du préjudice moral n’est pas nouvelle, tout comme le remboursement des frais de prise en charge cognitive et psychologique de l’enfant pendant la période de carence de l’Etat, cependant, la Tribunal administratif de PARIS dégage également deux autres postes de préjudice en lien direct avec les défaillances constatées.
En effet, la juridiction estime que dans le cas ou l’enfant a dû être pris en charge dans un établissement éloigné du domicile des parents, et en l’espèce en Belgique, « le préjudice moral tenant à l’éloignement de sa famille imposé par cette situation doit donner lieu à une indemnisation ».
Dans les deux décisions aux termes desquelles le Tribunal a accordé une telle indemnisation, il a évalué le montant de ce préjudice à hauteur de 3.750 euros par année d’éloignement pour l’enfant et de 2.750 euros par année d’éloignement pour chacun des parents.
Par ailleurs, le Tribunal a également reconnu l’existence d’un préjudice de trouble dans les conditions d’existence du parent qui a dû stopper son activité professionnelle afin de s’occuper de son enfant du fait des carences de l’Etat.
Cependant, la qualification de ce préjudice en tant que trouble dans les conditions d’existence et non en tant que préjudice de perte de gains professionnels paraît discutable.
En effet, la forfaitisation de l’indemnisation de ce préjudice est contradictoire avec le principe de l’indemnisation intégrale et ne prend pas en compte la situation de chacun ainsi que la rémunération perdue.
Malgré cela, ces sept décisions constituent une première, puisqu’elles reconnaissent les lacunes de l’Etat et indemnisent les victimes de ces défaillances que sont les enfants autistes et leur famille.