Anesthésie et défaut de vigilance

Arrêt de la 1ère Cour Civile de Cassation n°09-14339, 20 janvier 2011.

Suite à une opération au cours de laquelle un accident d’anesthésie laisse de graves séquelles à leur enfant de 9 ans, les parents assignent la clinique, le médecin anesthésiste ainsi que le producteur du matériel d’anesthésie (en l’espèce un masque permettant de vaporiser du fluothane). Les juges du fond leur accorde une indemnisation.

La Cour de Cassation rejette le pourvoi du médecin anesthésiste en précisant que, « indépendamment de la faute commise par ceux qui auraient dû prévenir l’anesthésiste remplaçant du dysfonctionnement du matériel utilisé », celui-ci a engagé sa responsabilité car le procédé d’anesthésie utilisé était connu pour comporter des risques et nécessitait non seulement une vigilance accrue de la part de l’anesthésiste au moment de l’utilisation du matériel mais aussi la vérification du matériel préalablement à son utilisation. En l’occurrence, cette absence de vigilance est qualifiée de manquement à « [l’] obligation de pratiquer des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science. »

Le décret n°2011-76 du 19 janvier 2011 modifie le taux minimum de DFT

Par un décret du 19 janvier 2011 n°2011-76, l’alinéa 2 de article D.1142-1 du Code de la Santé Publique est modifié :

Si le taux d’AIPP de 24% est maintenu, en revanche pour les cas dans lesquels le préjudice est constitué par un arrêt des activités professionnelles ou une gêne temporaire (ceci pour permettre l’indemnisation de personne n’ayant pas d’activité professionnelle) le décret, ajoute une condition à la version précédente du texte.

En effet, aux périodes d’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de gênes temporaires,  lesquelles doivent présenter une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs mais sur une période de douze mois, est ajoutée la condition d’un  taux minimum de déficit fonctionnel temporaire de 50%.

Frais futurs : la pratique de l’expertise, Conférence du 8 avril 2011

Sommaire de la conférence du 8 avril 2011, journée de formation de l’AMPAN (Association Médicale de Perfectionnement en Appareillages Nationale), Roscoff.

Véronique RACHET-DARFEUILLE, Avocat au Barreau de Nantes

I/ De quelle expertise s’agit-il ?

  1. Expertise amiable ?

    • La discussion juridique post-expertise entre l’assurance et l’avocat de la victime : Jurisprudence: responsabilité professionnelle de l’avocat engagée pour manquement à son obligation de conseil pour n’avoir pas conseillé sa cliente sur les avantages et inconvénients de refuser une proposition transactionnelle de l’AP-HP : cour d’appel de Paris, 14 janvier 2003, n°2001-13604.
    • L’enjeu du respect du contradictoire
    • L’assistance de la victime : la présence du médecin conseil de la victime, librement choisi par elle
  2. Expertise judiciaire ?

    • CRCI ou TGI ou TA
    • Le libellé de la mission d’expertise

Jurisprudence : Cour de cassation, 3e civ., 17 juillet 1996, n°95-20378 : sont privés d’effet les développements d’une expertise qui excèdent la mission définie par le juge (méthode d’évaluation d’un immeuble fixée par le juge et non suivie par l’expert)

II/ La définition des « frais futurs »

  1. Selon le rapport Dintilhac (juil.2005) :

  2. Les dépenses de santé futures sont les « frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels, mais médicalement prévisibles, répétitifs et rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après consolidation (…) Ces frais futurs ne se limitent pas aux frais médicaux au sens strict : ils incluent en outre les frais liés soit à l’installation de prothèses pour les membres, les dents, les oreilles ou les yeux, soit à la pose d’appareillages spécifiques qui sont nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique permanent qui demeure après consolidation ».

  3. Selon le protocole d’accord établi le 24 mai 1983 entre les organismes de protection sociale et les assurances

  4. Ce sont « ceux dont la charge est certaine ou prévisible selon l’avis du médecin et pour la durée indiquée par celui-ci »

III/ Les caractéristiques des « frais futurs »

  1. Des « frais prévisibles » :

    • De l’état séquellaire au jour de la consolidation
    • De la durée de l’état séquellaire : à vie ou à terme défini
  2. Suppose une évaluation par l’expert :

    Jurisprudence : Une coxarthrose « débutante et silencieuse » jusqu’à l’accident n’a été que « révélée par l’accident ». La cour d’appel d’Aix en Provence, limite à 25% la réparation des postes de préjudices résultant de la coxarthrose (état antérieur), dont la pose d’une prothèse. La cour de cassation casse l’arrêt d’appel : « en l’absence de l’accident, la pose d’une prothèse n’aurait pas eu lieu dans un délai prévisible ». La cour d’appel n’avait pas à limiter la réparation à 25% mais à ordonner une réparation intégrale (cour de cassation, 11 janvier 2011, n°10-81716).

  3. Des frais « rendus nécessaires par l’état pathologique (y compris interventions esthétiques) de la victime après consolidation » :

    • L’état pathologique séquellaire « stable »
    • Le risque d’aggravation de l’état pathologique qui nécessitera une nouvelle expertise
  4. L’expert doit distinguer entre :

    Jurisprudence : Cour de cassation, 2ème civ., 20 déc. 2007, n°07-13.575 : les ayants droits d’une victime de l’amiante acceptent l’offre faite par le FIVA puis demandent l’indemnisation de nouveaux postes de préjudices (physiques, d’agrément et esthétique) devant la cour d’appel : « l’acceptation par les consorts X… de l’offre d’indemnisation du préjudice extra-patrimonial subi par Charles X… rendait toute action juridictionnelle de ce chef irrecevable »

  5. Des « frais répétitifs » ou occasionnels

    • Particulièrement pertinent pour le renouvellement d’appareillages (prothèses, fauteuil roulant)
      Suppose une description des soins à venir, les justifier (à partir des soins déjà dispensés), les rattacher à l’accident (causalité)

IV/ La nature des « frais futurs »

  1. Toutes les dépenses de santé

    • frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux (soins kiné, infirmiers, orthoptiques, orthophoniques), pharmaceutiques (soit pris en charge à 100% par la Caisse, soit un reliquat reste à la charge de la victime)
    • De la date de consolidation à la date de règlement (arrérages échus dont le montant de ne fera pas l’objet d’une capitalisation)
    • De la date de règlement et pour l’avenir (capitalisation : déterminée en fonction de l’espérance de vie de la victime et du taux de placement de l’argent ou rente)
  2. Donc suppose une ventilation précise pour permettre à la victime d’être indemnisée de la totalité des soins restés à charge :

Jurisprudence : Le refus de la victime de recourir à l’intervention chirurgicale prévue par l’expert et indemnisée (en l’occurrence la pose d’une prothèse) n’ouvre pas droit pour l’assureur du responsable à remettre en cause l’allocation du capital ordonné par la cour d’appel (Cour de Cassation, 19 mars 1997, n°93-10914)

V/ L’enjeu de l’expertise sur les frais futurs pour la victime

  1. Limiter le recours des tiers payeurs (assureurs sociaux, employeurs publics ou privés, mutuelles, sociétés d’assurance) aux sommes qu’ils ont strictement engagées :

    • La ventilation poste par poste…
    • L’importance d’une description précise des frais futurs, ex : fauteuil roulant électrique ou à propulsion manuelle ?
    • …permettra d’encadrer le recours poste par poste
    • L’importance de justifier des sommes que le tiers payeur a déjà engagées
  2. Article 376-1 du Code de la Sécurité sociale : « Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel. Conformément à l’article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l’indemnisation, lorsqu’elle n’a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l’assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. Cependant, si le tiers payeur établit qu’il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice (…). »

Conclusion

  • Rappel du contexte : au-delà du traitement juridique du dossier, c’est la problématique de l’indemnisation du handicap lourd
  • Assurer à la victime les ressources financières adaptées à son handicap pour l’avenir

Vaccination et hépatite B : La Cour de Cassation fait machine arrière

Arrêt de la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation n°09-16556, 25 novembre 2010.

La première Chambre Civile de la Cour de Cassation a rejeté, le 25 novembre 2010, le pourvoi de Mme X tendant à obtenir indemnisation de son préjudice lié à une vaccination contre l’hépatite B.
La Cour suprême a validé le raisonnement de la Cour d’appel qui avait estimé qu’en l’absence de consensus scientifique en faveur d’un lien de causalité entre la vaccination et la sclérose en plaques, le fait que Mme X ne présentait aucun antécédent personnel et que les premiers symptômes étaient apparus quinze jours après la 1ère injection ne constituaient pas des présomptions graves, précises et concordantes.

Exposition habituelle à l’amiante et faute inexcusable

Arrêt de la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation n°09-71626, 9 décembre 2010.

Aux termes d’une décision du 9 décembre 2010, la 2ème Chambre Civile de la Cour de Cassation rappelle qu’il suffit que l’exposition à l’amiante soit habituelle et non pas « permanente et continue », ainsi que la cour d’appel l’avait exigé, pour reconnaître la faute inexcusable de l’employeur.

Le Médiateur de la République épingle les défaillances de la politique publique en santé

Dans son rapport annuel 2010, le Médiateur de la République, J-P DELEVOYE, dénonce le manque de moyens en regard d’ambitions « démesurées » de la politique publique de santé, ce manque de moyens entraînant, entre autre, le rejet de nombreuses réformes et la mauvaise exécution de nombreuses dispositions telles que celles de la loi Léonetti sur la fin de vie, l’accès au dossier médical ou les règles relatives à la laïcité à l’hôpital.

Responsabilité médicale et faute de la victime

Arrêt de la 1ère Cour Civile de Cassation n° 09-68042, 20 janvier 2011.

La 1ère Chambre Civile de Cassation confirme, dans un arrêt du 20 janvier 2011, le rejet de la demande d’indemnisation de parents qui avaient engagé la responsabilité de leur médecin à la suite de la contamination par le VIH de leur nouveau-né, au motif que la patiente avait caché son état de santé lors de son admission et qu’à la date de la naissance de l’enfant, le dépistage systématique du VIH n’était pas obligatoire.

Vaccination obligatoire et imputabilité

Décision du Conseil d’État n°313369, 4 mars 2011.

Aux termes d’une décision du 4 mars 2011, le Conseil d’État considère que, bien que le Tribunal Administratif aurait dû vérifier que la vaccination contre l’hépatite B de la requérante avait bien été pratiquée dans le cadre du service, la sclérose en plaques qu’elle a déclaré n’était pas imputable à la vaccination car il s’était écoulé plus de quatre ans entre la dernière injection du vaccin et l’apparition de la maladie.

Les effets indésirables du Requip sanctionnés par le TGI de Nantes

Le 31 mars 2011, le TGI de Nantes a condamné le laboratoire fabricant le médicament Requip, prescrit contre la maladie de Parkinson, à indemniser un patient chez lequel il avait provoqué des troubles du comportement (hypersexualité et addiction aux jeux),  sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux.

Santé au travail : état des lieux des risques psychosociaux

Le rapport Nasse-Légeron, établissant un état des lieux des risques psychosociaux au travail, indique que plus les professions sont qualifiées, moins elles souffrent du manque de marge de manœuvre, de soutien social et de sécurité économique. En outre, sur la base de ces derniers critères, les femmes souffrent davantage que les hommes. Le manque de reconnaissance au travail est, pour elles, une difficulté supplémentaire.

=>Lire le rapport Nasse-Légeron sur le site travail-emploi-sante.gouv.fr