Confirmation de ce que l’autorisation d’opérer standard n’est pas conforme aux exigences légales

Cour de cassation, 6 février 2013

Une patiente recherche la responsabilité d’un chirurgien qui avait réalisé une lipectomie à la suite de laquelle elle avait souffert d’un nécrose cutanée à la jonction des cicatrices post-opératoires.

Préalablement à l’intervention, la patiente avait signé une autorisation d’opérer avec un accord sur l’information. Cette autorisation avait été libellée en ces termes : « j’accepte l’opération chirurgicale proposée par le Dr X…Je sais qu’il n’existe pas d’acte chirurgical sans risque et que les complications sont possibles même si l’intervention est conduite normalement. je reconnais que la nature de l’opération prévue ainsi que ses avantages et ses risques m’ont été expliqués en termes que j’ai compris, le dr X… a répondu de façon satisfaisante à toutes les questions que je lui ai posées. J’ai bien noté que toute intervention peut comporter des difficultés qui peuvent contraindre mon chirurgien à en modifier le cours dans l’intérêt de mon état de santé actuel et futur ».

La Cour d’appel de Reims rejette les demandes d’indemnisation de la patiente fondées tant sur la faute technique que sur le manquement à l’obligation d’information sur les risques.

Celle-ci forme un pourvoi devant la Cour de cassation qui critique le rejet prononcé par la juridiction d’appel.

En effet, selon la cour suprême les juges du fond auraient dû rechercher si la nécrose survenue bien qu’étant une complication connue n’aurait pas pu être évitée par un geste médical adapté et si le Dr X..n’avait pas failli à son obligation d’expliciter les risques précis de l’abdominoplastie, notamment par la remise d’une brochure exhaustive, identique à celle qui a été remise à la patiente lors d’une intervention ultérieure.

L’arrêt de la Cour de Reims est cassé et renvoyé devant la Cour d’appel d’Amiens.

Les aléas de l’évaluation de la perte de chance

CAA de Nantes, 20 décembre 2012

Un homme se présente aux urgences du CHU de Nantes entre 9h30 et 10h faisant état de violentes douleurs abdominales, de vomissements et de diarrhées. Il décède le même jour à 18h d’une septicémie à pneumocoque fulminante avec défaillance multiviscérale fatale.

Son épouse recherche alors la responsabilité du centre hospitalier pour manquement dans les modalités de la prise en charge médical du patient et dans ses choix thérapeutiques.

Concernant la responsabilité du centre hospitalier, le tribunal administratif considère d’une part que les modalités du transfert du malade du service des urgences vers le service de réanimation  n’étaient entachées d’aucun retard fautif et, d’autre part, que le fait d’avoir tardé à pratiquer une antibiothérapie probabiliste devait s’analyser comme un choix thérapeutique erroné constitutif d’une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier.

Quant à l’évaluation du préjudice indemnisable, le tribunal évalue le coefficient de perte de chance du patient d’échapper au décès à 60%.

La Cour administrative d’appel confirme le jugement de 1ère instance pour ce qui est de la responsabilité fautive du CHU mais réévalue, à la baisse, le coefficient de perte de chance du patient (30%) compte tenu notamment du doute exprimé à plusieurs reprises dans le rapport d’expertise sur la possibilité d’un renversement du très mauvais pronostic vital du patient par une prescription plus précoce d’un antibiotique adapté.

Retard de diagnostic : l’indemnisation de la perte de chance d’obtenir des séquelles moins graves

Conseil d’Etat, 20 mars 2013

Une femme éprouve des douleurs et des sensations de perte de sensibilité dans les jambes. Le 11 avril 2003, une IRM révèle une affection des disques intervertébraux pour laquelle une infiltration est réalisée. Les symptômes persistant, elle consulte le 15 mai 2003, un neurologue qui  les attribue à une dépression et prescrit un traitement correspondant.

Le 1er juillet 2003, du fait de l’aggravation de son état, la patiente se rend aux urgences et une tumeur des méninges à l’origine de la compression de la moelle épinière est diagnostiquée.

A la suite de l’ablation de cette tumeur, la patiente a présenté une paraplégie dont elle conserve de graves séquelles.

Elle assigne alors  le neurologue en responsabilité pour faute de diagnostic lui ayant causé une perte de chance d’éviter ce dommage.

La Cour d’appel retient la responsabilité pour faute du centre hospitalier mais ne fait droit que partiellement à la demande de la patiente. Elle estime que, compte tenu de la croissance très lente de la tumeur qui se développait depuis plusieurs années, le retard de quelques semaines apporté du fait de cette erreur à l’intervention chirurgicale, n’a pas compromis les chances de la patiente d’obtenir une récupération totale de ses facultés.

Le Conseil d’Etat annule la décision de la Cour d’appel et rappelle que dans le cas où la faute commise, lors de la prise en charge d’un patient dans un établissement public hospitalier, a compromis ses chances d’obtenir une amélioration de son état de santé ou d’échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute et qui doit être intégralement réparé n’est pas le dommage corporel mais la perte de chance d’éviter la survenue de ce dommage.

La Cour d’appel en recherchant uniquement si la patiente a été privée d’une chance de récupération totale alors qu’elle devait également rechercher si elle avait été privée d’une chance de conserver des séquelles moins graves que celle dont elle demeurait atteinte a commis une erreur de droit.

Le résultat inesthétique d’une intervention de chirurgie esthétique n’est qu’un inconvénient de l’opération non indemnisable

Cour d’appel de Paris, 30 novembre 2012

Une patiente subit une intervention de chirurgie esthétique pour supprimer les tatouages de ses sourcils et les reconstituer à l’aide d’une greffe de cheveux.

Estimant le résultat insatisfaisant, notamment en raison d’une asymétrie du sourcil droit, elle assigne son chirurgien esthétique pour manquement à son obligation d’information et pour le caractère insuffisamment esthétique du résultat obtenu.

La Cour d’appel de Paris déboute la plaignante de ses demandes et confirme ainsi le jugement de 1ère instance.

Concernant l’obligation d’information, la Cour rappelle qu’elle est étendue en matière de chirurgie esthétique, le chirurgien devant informer le patient des conditions, risques, conséquences et complications de l’intervention ainsi que des répercussions physiques, esthétiques et psychologiques de l’acte pratiqué.

Elle évoque également la procédure de l’information du patient qui comprend notamment la remise d’un devis détaillé et le respect obligatoire d’un délai de réflexion de 15 jours avant de réaliser l’intervention afin d’obtenir un consentement éclairé du patient.

Enfin, elle rappelle qu’il appartient au médecin d’établir par tous moyens qu’il a rempli son obligation. Preuve rapportée en l’espèce puisque la patiente avait été soumise à deux consultations médicales avant l’intervention, la mention d’une information verbale avait été notée dans son dossier médical, une information complémentaire lui avait été donnée le jour de l’intervention et elle avait reconnu avoir été destinataire de l’information. Enfin, le délai de quinze jours avait, lui aussi, été respecté.

Concernant l’obligation de soins à l’égard de la patiente, la Cour rappelle que le chirurgien esthétique n’est pas tenu d’une obligation de résultat mais de moyens et qu’il appartient à la patiente de rapporter la preuve que le chirurgien aurait commis, dans la dispensation des soins, une faute dont il aurait résulté pour elle un dommage.

Or, selon le rapport d’expertise, le chirurgien avait réalisé une technique opératoire conforme aux données acquises de la science, la patiente n’ayant subi aucune complication opératoire, ni incapacité de travail, ni pretium doloris.

Le caractère insuffisamment esthétique du résultat obtenu ne constituant qu’un inconvénient de l’intervention, signalé dans la notice d’information, qui avait été portée à la connaissance de la patiente.

Le juge peut-il se fonder sur un rapport d’expertise amiable ?

Cour de cassation, chambre mixte, 28 septembre 2012

Un véhicule de marque Trigano a été détruit par un incendie.

La société d’assurance de la propriétaire assigne alors la société Trigano et son assureur pour obtenir leur condamnation solidaire au remboursement de l’indemnité qu’elle a versé à son assurée.

A l’appui de sa demande, la société d’assurance verse aux débats un rapport d’expertise établi par l’expert qu’elle a mandaté et pour qui l’origine du sinistre se situe dans un défaut de câblage de la centrale électrique du véhicule.

La Cour d’appel déboute la société d’assurance de sa demande qui se pourvoit alors en cassation en invoquant la possibilité de faire valoir à titre de preuve tout rapport d’expertise amiable, même s’il n’a pas été établi contradictoirement, dès lors qu’il est soumis à la libre discussion des parties.

La Cour de cassation rejette, à son tour, la demande de la société d’assurance en déclarant que si le juge ne peut refuser d’examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l’une des parties.

En l’espèce la Cour d’appel ayant relevé, tandis que la société Trigano et son assureur se prévalaient de l’inopposabilité du rapport d’expertise, que la société d’assurance fondait exclusivement ses prétentions sur ce rapport, a légalement justifié sa décision.

Le défaut de préparation psychologique du patient aux risques encourus

Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 12 juillet 2012, n° de pourvoi 11-17510

A la suite d’une intervention réalisée par un chirurgien pour résoudre une hernie inguinale, un patient a souffert d’une atrophie douloureuse du testicule droit nécessitant l’ablation de cette glande avec pose de prothèse, par un autre chirurgien. En raison du déplacement de la prothèse, ce chirurgien en a posé une seconde, laquelle a éclaté quelques semaines plus tard lors d’une partie de tennis ; le patient a alors subi une nouvelle intervention pour la retirer.

Par la suite, le patient a cherché la responsabilité des chirurgiens, du fabricant de la prothèse ainsi que celle du laboratoire, tant en raison d’un manquement au devoir d’information que d’un défaut de sécurité de la prothèse.

La Cour d’appel a déclaré le premier chirurgien responsable, pour manquement à son obligation d’information à l’origine de la perte d’une chance, de moitié des conséquences dommageables de l’intervention initiale et des interventions subséquentes. Le second chirurgien ainsi que le laboratoire, responsables in solidum de la totalité des conséquences dommageables de la défaillance de la seconde prothèse.

Pour cela, elle retient que tenu d’une obligation de sécurité de résultat quant aux choses qu’il utilise dans la pratique de son art, le seul éclatement de la prothèse à l’occasion d’un sport qui n’est pas défini comme dangereux suffit à engager la responsabilité du chirurgien.

La Cour de cassation confirme la décision de la Cour d’appel concernant l’obligation d’information aux motifs que le droit pour tout patient d’être informé est un droit personnel, détaché des atteintes corporelles, accessoire au droit à l’intégrité physique. Aussi, la lésion de ce droit subjectif entraîne un préjudice moral, résultant d’un défaut de préparation psychologique aux risques encourus et du ressentiment éprouvé à l’idée de ne pas avoir consenti à une atteinte à son intégrité corporelle.

La Cour de cassation censure en revanche la décision concernant la sécurité de la prothèse estimant que la responsabilité des prestataires de services de soins qui ne peuvent être assimilés à des distributeurs de dispositifs médicaux et dont les prestations visent essentiellement à faire bénéficier les patients des traitements et techniques les plus appropriés à l’amélioration de leur état, ne relève pas, hormis le cas où ils en sont eux-mêmes les producteurs, du champ d’application de la Directive sur le produits défectueux du 25 juillet 1985. Leur responsabilité ne peut dès lors être recherchée que pour faute lorsqu’ils ont recours aux produits, matériels et dispositifs médicaux nécessaires à l’exercice de leur art ou à l’accomplissement d’un acte médical.

Promulgation de la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé

Une récente loi n° 2011-2012 du 29 décembre 2011 « relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé » est venue renforcer la sécurité sanitaire du médicament à la suite de l’affaire Médiator.

Ce texte vient fixer les règles relatives aux déclarations d’intérêt applicables à l’ensemble des instances collégiales, des commissions des groupes de travail et conseils des autorités et organismes de santé publique, et définit donc l’obligation pour l’ensemble de ces instances d’établir une déclaration d’intérêt.

Cette déclaration d’intérêt doit mentionner les liens d’intérêts de toute nature, direct ou par personne interposée, que le déclarant a, ou qu’il a eu, pendant les 5 années précédant sa prise de fonction, avec des entreprises, des établissements ou des organismes dont les activités, les techniques et les produits entrent dans le champ de compétence de l’autorité sanitaire au sein de laquelle il exerce ses fonctions, ou de l’organe consultatif dont il est membre ainsi qu’avec les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans les mêmes secteurs.

Le texte prévoit que cette déclaration d’intérêt est rendue publique et qu’elle doit être actualisée à l’initiative de l’intéressé.

La loi prévoit la publicité des séances des commissions, conseils et instances collégiales d’expertise consultés dans le cadre de procédures de décisions administratives.

Le texte réforme également les règles applicables à l’expertise sanitaire ; il prévoit que les entreprises produisant ou commercialisant des produits de santé doivent rendre publiques les conventions qu’elles passent avec certains professionnels de santé et qui consentiraient des avantages à ces mêmes professionnels de santé, le non-respect de ces obligations étant désormais sanctionné pénalement.

La loi précise les règles de gouvernance des produits de santé et particulièrement réforme le fonctionnement de l’agence nationale de sécurité et du médicament et des produits de santé. Les règles relatives à l’autorisation de mise sur le marché sont aussi modifiées, ainsi que celles relatives à la prescription, à la délivrance des médicaments, à l’autorisation temporaire d’utilisation de certains médicaments, à la prise en charge hors autorisation de mise sur le marché, à la pharmaco-vigilence, à l’information et à la publicité sur le médicament à usage humain, sur les logiciels d’aide à la prescription et à la dispensation, aux études en santé publique. Enfin les dispositions du Code de la santé publique aux dispositifs médicaux sont également réformées par ce texte.

Répartition des contentieux et allègement de certaines procédures juridictionnelles

Loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011

Le 16 novembre dernier, le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles est adopté définitivement par l’Assemblée Nationale.

Voici quelques-uns des points modifiés par ce texte :

  • Suppression des juridictions de proximité; les juges de proximité sont dorénavant rattachés aux Tribunaux de grande instance et de nouvelles missions leur sont confiées,
  • Le contentieux douanier est transféré aux tribunaux de grande instance,
  • La procédure de saisie des rémunération est simplifiée,
  • L’injonction de payer est étendue au TGI ; tandis qu’une procédure européenne d’injonction de payer ainsi qu’une procédure de règlement des petits litiges sont instituées,
  • La mise en place d’une spécialisation des tribunaux de grande instance en matière de propriété intellectuelle,
  • La mise en place des juridictions spécialisées en matière d’accident collectif ,
  • L’exclusion du patrimoine affecté à l’EIRL du champ de faillite civile.

Moteur de recherche, mots clefs, contrefaçon de marque ?

Cour d’appel de Versailles, 12ème chambre – section 1, 2 novembre 2006

Une société de référencement sur Internet est poursuivie par le groupe ACCOR notamment sur le fondement de la contrefaçon de marque. Le groupe hôtelier considère qu’est constitutif de la contrefaçon de marque le fait de permettre aux internautes d’utiliser comme mots-clefs des marques appartenant à ACCOR. La Cour d’appel de Versailles dans une décision du 2 novembre 2006, dont nous reproduisons un extrait ci-dessous, lui donne raison :

« Considérant que les sociétés OVERTURE se prévalant des dispositions de l’article L 713-6 du CPI font valoir que l’utilisation des marques du groupe ACCOR à titre de mots-clés de recherche et dans les liens promotionnels des annonceurs est nécessaire pour désigner les services authentiques fournis par ACCOR et commercialisés par ces annonceurs ou les informations correspondantes ;

Considérant qu’en application de l’article L 713-6 du CPI qui ne fait que reprendre sous une forme légèrement différente l’article 6 paragraphe 1 sous c) de la directive d’harmonisation, n°89/104 du 21 décembre 1988 l’usage de la marque par un tiers qui n’en est pas titulaire est nécessaire pour indiquer la destination d’un service commercialisé par ce tiers lorsqu’un tel usage constitue en pratique le seul moyen pour fournir au public une information compréhensible et complète sur cette destination afin de préserver le système de concurrence non faussé sur le marché de ce service ; que toutefois, cet usage doit être fait d’une manière à ne pas générer de confusion sur l’origine du service ou de manière à tirer indûment profit du caractère distinctif de la marque ou de sa renommée ;

Considérant par ailleurs que dès lors que la destination des produits ou services en tant qu’accessoires ou pièces détachées n’est donnée qu’à titre d’exemple, s’agissant comme l’a précisé la CJCE dans l’arrêt Gilette (arrêt du 17 mars 2005 paragraphe 32) de situations courantes dans lesquelles il est nécessaire d’utiliser une marque pour indiquer la destination d’un produit (ou d’un service), l’application de l’article L 713-6 paragraphe b) ne serait être limitée à ces situations ;

Considérant qu’un internaute recherchant un service ou un produit sur internet fait appel à des mots-clés et utilise des liens hypertextes ; qu’un annonceur qui souhaite avoir le plus de chance possible de faire connaître ses produits ou ses services doit pouvoir, comme dans toute opération publicitaire ou promotionnelle, être mis en mesure de pouvoir, en quelque sorte, disposer du meilleur emplacement, en offrant la meilleure enchère sur un mot-clé pour être référencé en première ligne quand l’internaute effectuera des recherches sur ce mot-clé ; que lorsque ce mot-clé constitue la marque d’un tiers, ce denier ne peut opposer ses droits à l’annonceur dès lors que celui-ci utilise le mot-clé pour fournir réellement, sur le territoire national, des services authentiques et qu’il n’utilise pas la marque comme une simple marque d’appel pour offrir en réalité des services d’une marque concurrente ; que l’usage du mot-clé pour offrir des services authentiques ne porte pas atteinte à la fonction essentielle de la marque dès lors qu’il a précisément pour objet de permettre à l’internaute d’identifier l’origine des services ; qu’en conséquence, la possibilité donnée par les sociétés OVERTURE aux annonceurs d’enchérir sur des mots-clés constituant des marques de la société ACCOR et le fait de commercialiser ces mots-clés, sans l’autorisation d’ACCOR, en se rémunérant d’une part par le versement d’une somme forfaitaire de 50 euros à titre d’avance lors de la réservation du mot, d’autre part, à chaque clic d’un internaute sur un lien sponsorisé, ne peut s’analyser comme un acte de contrefaçon que lorsque le lien sponsorisé ne donne pas effectivement accès à des services authentiques mais sert de marque d’appel pour présenter des services concurrents ou qu’il est utilisé sans respecter les usages loyaux du commerce ; que les droits privatifs dont ACCOR bénéficie sur les marques dont elle est propriétaire n’ont pas pour effet de lui conférer un monopole sur la réservation de chambres en ligne dans les hôtels de son groupe ;

(…)

Considérant que les sociétés OVERTURE et OVERTURE SERVICES en donnant aux annonceurs la possibilité d’enchérir sur des mots-clés qui constituent la reproduction des marques THALASSA, TICKET RESTAURANT, IBIS (pour OVERTURE), ETAP, ETAP Hôtel, SUITEHOTEL, MERCURE (pour OVERTURE SERVICES) de la société ACCOR, en commercialisant, moyennant rémunération et sans autorisation du groupe ACCOR, ces mots-clés pour leur permettre de créer des liens sponsorisés donnant accès non pas à des services authentiques mais à des services identiques à ceux couverts par les marques ACCOR et ce, sur le territoire français, se sont rendues coupables de contrefaçon de ces marques ; que les sociétés OVERTURE ne peuvent valablement prétendre avoir joué un rôle purement passif ou n’être intervenues que comme un technicien (OVERTURE SERVICES) dès lors qu’elles suggèrent ces mots-clés aux annonceurs, les invitent à porter des enchères sur ces mots, tirent un profit commercial lors de chaque utilisation de ces mots-clés, ont la possibilité de mettre fin à cet usage et se targuent de procéder à une vérification éditoriale standard ;

Considérant qu’ainsi que l’établissent les constats examinés ci-dessus, plusieurs recherches sur ces 7 mots-clés constituant des marques du groupe ACCOR ont déclenché des liens sponsorisés vers des sites pour la promotion d’hôtels ou de centres de thalassothérapie n’appartenant pas au groupe ACCOR ou vers des sites proposant principalement des hôtels concurrents, la marque ACCOR servant en quelque sorte de marque d’appel ;

Considérant en revanche que le seul fait de proposer un outil permettant de voir les recherches faites sur d’autres mots-clés tels que ACCOR, SOFITEL, NOVOTEL, ne peut être incriminé dès lors que la liste qui apparaît ne permet pas de vérifier si les mots qui apparaissent renvoient à des liens sponsorisés offrant des services dans des hôtels ou centres ne dépendant pas du groupe ACCOR ; que de même, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le seul fait de proposer à un annonceur potentiel de porter une enchère sur le taux de clic pour telle ou telle marque, tel que cela a été constaté par Me Krief les 23 et 24 juin 2004 ne constitue pas un acte de contrefaçon dès lors qu’il n’est pas démontré que l’une ou l’autre des sociétés OVERTURE ait effectivement commercialisé ce mot-clé auprès d’un annonceur pour qu’il offre sous ce mot des services susceptibles de porter préjudice à ACCOR ou de constituer une exploitation injustifiée de ces marques ;

Considérant en conséquence, qu’il convient de réformer le jugement entrepris et de retenir la responsabilité de la société OVERTURE pour contrefaçon des marques THALASSA, TICKET RESTAURANT et IBIS et celle de OVERTURE SERVICES pour contrefaçon des marques ETAP, ETAP HOTEL, SUITEHOTEL et MERCURE ;

Considérant que ACCOR ne justifiant d’aucun droit privatif en France sur les noms MOTEL6 et REDROOF, elle sera déboutée de ses demandes de ce chef ».

Brûlures occasionnées à un patient : le responsable est-il le fabricant du materiel défectueux ou le CHU ?

Cour de Justice de L’Union Européenne, gde ch., 21 déc. 2011, aff. C-495/10, Centre hospitalier universitaire de Besançon c/ M. D., Caisse primaire d’assurance maladie du Jura :

M. D., alors âgé de 13 ans, a été victime, au cours d’une intervention chirurgicale pratiquée le 3 octobre 2000 au CHU de Besançon, de brûlures causées par un défaut du système de régulation de la température du matelas chauffant sur lequel il se trouvait installé.

Par un jugement du 27 mars 2007, le tribunal administratif de Besançon a condamné le CHU de Besançon à réparer le dommage ainsi occasionné à M. D. moyennant le versement, à ce dernier, d’une somme de 9 000 euros et, à la caisse primaire d’assurance maladie du Jura, d’une somme de 5 974,99 euros.

L’appel interjeté à l’encontre de ce jugement devant la cour administrative d’appel de Nancy par le CHU de Besançon ayant été rejeté par un arrêt du 26 février 2009, ce dernier s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’État.

À l’appui de ce pourvoi, le CHU de Besançon soutient que la Cour administrative d’appel de Nancy a méconnu la directive 85/374, (dite « produits défectueux ») et notamment l’article 13 de celle-ci, en jugeant que cette directive ne fait pas obstacle à l’application du principe jurisprudentiel selon lequel le service public hospitalier est responsable, même en l’absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance de produits ou d’appareils utilisés dans le cadre des soins dispensés. Selon le CHU, il résulterait en effet de la directive que le producteur du matelas doit être tenu pour seul responsable dès lors qu’il était, comme en l’occurrence, dûment identifié.

Par décision du 4 octobre 2010, le Conseil d’État a sursis à statuer et saisi la CJUE d’une question préjudicielle aux fins de savoir si la directive  « produits défectueux » limite la possibilité pour les États membres de définir la responsabilité des personnes qui utilisent des appareils ou produits défectueux dans le cadre d’une prestation de services et causent, ce faisant, des dommages au bénéficiaire de la prestation.

La Cour dans sa décision  du 21 décembre 2011 répond que la responsabilité d’un prestataire de services qui utilise, dans le cadre d’une prestation de services telle que des soins dispensés en milieu hospitalier, des appareils ou des produits défectueux dont il n’est pas le producteur au sens des dispositions de l’article 3 de la directive 85/374 et cause, de ce fait, des dommages au bénéficiaire de la prestation, ne relève pas du champ d’application de cette directive.

La directive, selon la CJUE, ne s’oppose dès lors pas à ce qu’un État membre institue un régime prévoyant la responsabilité d’un établissement public de santé à l’égard des dommages occasionnés, même en l’absence de toute faute imputable à celui-ci, à condition, toutefois, que soit préservée la faculté pour la victime et/ou ledit prestataire de mettre en cause la responsabilité du producteur sur le fondement de ladite directive lorsque se trouvent remplies les conditions prévues par celle-ci.