La Cour de cassation élargit la définition de l’accident médical non fautif

Arrêt de la Cour de cassation, 1ère chambre civile, 6 avril 2022, n°21-12.825

Un patient est victime d’une hémiplégie provoquée, au cours d’une intervention chirurgicale, par une crise convulsive généralisée.

Ses ayants-droits (son décès étant survenu 4 ans plus tard) sollicitent l’indemnisation des préjudices du défunt et leurs préjudices propres auprès de l’ONIAM.

Ils sont, dans un premier temps, déboutés par la juridiction de première instance et par la Cour d’Appel.

En revanche, la Cour de cassation accueille leur pourvoi en précisant que la condition d’anormalité du dommage doit être regardée comme remplie lorsque l’acte médical a entrainé des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé, par sa pathologie de manière suffisamment probable en l’absence de traitement et, dans le cas contraire, lorsque les conséquences de l’acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l’acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.

La Cour de cassation précise également que les conséquences de l’acte médical peuvent être notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé, par sa pathologie de manière suffisamment probable en l’absence de traitement si les troubles présentés, bien qu’identiques à ceux auxquels il était exposé par l’évolution prévisible de sa pathologie, sont survenus prématurément.

Dans ce cas, une indemnisation ne peut être due que jusqu’à la date à laquelle les troubles seraient apparus en l’absence de survenance de l’accident médical.

La Cour de cassation censure la solution des juges d’appel, leur reprochant de ne pas avoir pris en compte le fait que l’intervention chirurgicale, subie par ce patient, avait entrainé, de manière prématurée, la survenue de troubles, auxquels certes il était exposé mais qui ne se seraient pas produits s’il n’avait pas été opéré.

Cette solution de la première chambre civile de la Cour de cassation est favorable aux victimes en ce qu’elle élargit la définition de l’accident médical non fautif.

Une élève infirmière est-elle tenue au secret professionnel ?

Une élève infirmière est exclue de son institut de formation à la suite de rapport de stage faisant état d’incidents récurrents.

Elle conteste son exclusion devant le Tribunal de Grande Instance de Paris.

Pour se défendre, elle va notamment produire des transmissions écrites dans lesquelles figurent le numéro de chambre des patients, leurs noms, l’indication du chirurgien qui les suit, les pathologies dont ils souffrent et les soins à effectuer.

Son institut de formation entre autres demandes, va solliciter du Tribunal la restitution des documents communiqués à la procédure par cette élève, estimant qu’ils sont couverts par le secret professionnel.

Le Tribunal va accéder à cette demande, précisant que les étudiants n’étaient, en aucun cas, autorisés à photocopier des documents internes à l’établissement comportant des informations relatives aux patients ni, encore moins, à emporter ces transmissions à leur domicile.

Le Tribunal va donc constater que ces transmissions ont été produites en justice en violation du secret professionnel qui s’impose aux étudiants infirmiers.

Il ordonne la restitution de l’ensemble des originaux et des copies des documents comportant des données relatives aux patients y compris les documents, dont l’élève infirmière affirme être en possession, sans pour autant les avoir produites dans le cadre de la procédure.

Le secret professionnel de la sage-femme

Une sage-femme libérale suit la grossesse d’une femme puis sa rééducation périnéale.

Quelques mois après, à la suite d’une plainte de sa patiente, pour violences conjugales, elle est entendue par téléphone par un officier de police judiciaire et un procès-verbal est dressé à partir de ses déclarations.

Quelques jours après, la sage-femme est convoquée dans le cadre d’une autre enquête concernant la même famille, ouverte pour violences, suspectée d’avoir été commises par cette patiente sur ses enfants.

La plainte pour mauvais traitement sur les enfants de sa patiente sera classée sans suite.

En revanche, l’enquête sur les violences conjugales va aboutir à la condamnation des deux parents pour violences réciproques.

La patiente après sa condamnation saisie la Chambre Disciplinaire de première instance des sages-femmes afin d’obtenir la condamnation de celle-ci à la violation du secret professionnel.

La Chambre Disciplinaire de première instance rejettera la demande de la patiente en ces termes :

« Si Madame C (la sage-femme) relate dans ses déclarations qu’elle a conseillée à la mère, pour faire examiner ses bébés, une pédiatre de sa connaissance et qu’elle s’est interrogé avec cette dernière sur l’opportunité d’un signalement, il ne ressort pas de son témoignage que cette concertation entre professionnels de santés aurait eue lieu avant que la mère ne choisisse de recourir à cette pédiatre, ce qui rendait possible le partage d’informations.

La méconnaissance du secret professionnel n’est donc pas établie. »

Le défaut d’information se cumule avec une faute médicale

Cour de cassation , 23 janvier 2019, n° 18-11.982

Une personne est hospitalisée  pour subir un pontage vasculaire de l’artère sous-clavière. Dans les suites de cette intervention, la patiente a souffert de douleurs thoraciques importantes. Elle subit alors des ponctions pleurales qui vont entraîner d’importantes complications dont un choc hémorragique secondaire à un hémothorax gauche. Elle va être hospitalisée durant plusieurs mois.

La patiente  soutient avoir été victime de différentes fautes dans la prise en charge et d’un défaut d’information.

L’assureur du chirurgien a été condamné à réparer son entier préjudice corporel. Le tribunal a retenu l’existence de fautes, tenant à une mauvaise évaluation des risques, en particulier hémorragiques, et des bénéfices liés à la réalisation des ponctions pleurales ainsi qu’à une insuffisance de précautions préalables.

Par contre, la cour d’appel rejette la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral de la patiente qui estimait n’avoir pas été correctement informée des risques de l’intervention.  En effet, la cour a considéré que l’indemnisation de ce préjudice ne saurait se cumuler avec la réparation du dommage corporel consécutif à l’intervention fautive.

Selon une jurisprudence constante, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel pour violation des articles 16 du Code civil et L. 1111-2 du Code de la santé publique.

Le défaut d’information est constitutif d’un préjudice autonome de celui du préjudice corporel.

 

Accident de sport : identifier le responsable

CA Orléans, ch. civ., 21 janv. 2019, n° 17/01274

Une convention de partenariat a été signée entre une société commerciale et une association de pratique du handball. Selon cette convention, la société disposait d’une publicité en contrepartie d’un engagement financier et pouvait participer à des animations organisées au cours de la saison sportive du club.

Dans le cadre de cette convention de partenariat, le gérant du sponsor participe à un match de handball et est heurté par un autre joueur, non identifié. Il souffrira d’une fracture costale compliquée ultérieurement d’une pseudarthrose nécessitant une intervention chirurgicale.

Le gérant du sponsor va sans difficulté, notamment à l’aide d’attestations, démontrer sa participation au match au cours duquel il a été blessé. Mais il va invoquer la convention de partenariat pour rechercher la responsabilité du club de handball.

Très logiquement, le juge de première instance et la cour d’appel rejettent l’intégralité de ses demandes de réparation de ses préjudices corporels, estimant qu’il n’était intervenu à la convention de partenariat qu’en qualité de représentant de la société sponsor et non en qualité de joueur.

L’allocation personnalisée d’autonomie (APA) doit être déduite des indemnités versées à la victime

CAA de Nantes, 11 janvier 2019

Une femme victime d’un accident médical à la suite d’une pose de prothèse de hanche réclame indemnisation de ses préjudices.

Le juge de première instance n’avait pas hésité à retirer des sommes qu’elle réclamait le montant de l’APA qu’elle aurait perçue si elle l’avait demandée.

La Cour administrative d’appel de Nantes censure cette rigueur du juge de première instance mais retire tout de même des sommes réclamées par la victime le montant des APA réellement perçues.

On ne peut que regretter cette solution.  On ne répétera pas assez que l’APA n’a pas pour but d’indemniser son allocataire mais compense un handicap, que celui-ci soit causé par un accident ou par la simple avancée en âge.

DEPAKINE : Création d’un fond d’indemnisation pour les victimes

Aux termes d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale le 15 novembre dernier, concernant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, les députés ont accepté la proposition du gouvernement de créer un fond d’indemnisation pour les victimes de la DEPAKINE.
Sous réserve de son maintien dans le texte définitif, cet amendement prévoit que toute personne s’estimant victime d’un préjudice à raison d’une ou plusieurs malformations ou de troubles du développement imputables à la prescription de DEPAKINE pendant la grossesse, avant le 31 décembre 2015 (date de publication des restrictions de prescription de la DEPAKINE par l’ANSM), pourra recourir à ce fond.

Comme pour le Médiator, les députés ont décidé de confier la mission de l’indemnisation des victimes du Valproate de sodium (DEPAKINE) ou de l’un de ses dérivés à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM).

Cependant, compte tenu des critiques formulées à l’encontre du fond d’indemnisation des victimes du Médiator, également géré par l’ONIAM, l’amendement prévoit une procédure d’indemnisation quelque peu différente.

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Préjudice d’impréparation : présomption de souffrance morale

26 juin 2016, Conseil d’Etat, 4ème et 5ème Chambres réunies, n°382479

Un patient subit une coloscopie au cours de laquelle survient une perforation colique. Il recherche la responsabilité des Hospices civils de Lyon pour ne pas l’avoir informé du risque de perforation colique.  Par un jugement du 8 avril 2014, le tribunal administratif de Lyon avait, d’une part, estimé qu’un défaut d’information n’avait pu faire perdre à l’intéressé une chance de se soustraire au risque en refusant l’intervention, qui était impérieusement requise en présence d’une affection cancéreuse, et, d’autre part, que M. B… n’établissait pas avoir subi un préjudice d’impréparation.

C’est précisément ce raisonnement que le Conseil d’Etat sanctionne par un arrêt, rendu en Chambres réunies, le 16 juin 2016.

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Arrêt du Conseil d’Etat du 27 juin 2016, n°387590 : en cas de rapport d’expertise incertain, le juge peut se fonder sur un faisceau d’indices

Cette décision rendue par 2 Chambres réunies, a tout d’une…décision de la Cour de cassation en ce sens qu’elle adopte une solution favorable aux victimes d’un dommage médical, terrain d’habitude plus volontiers occupé par le juge civil.

En l’espèce, une patiente subit quatre interventions neurochirurgicales et se plaint au cours de ces interventions d’abord d’une baisse de sa perception visuelle puis d’une cécité complète. L’Expert judiciaire nommé n’a pu déterminer l’étiologie (c’est à dire la cause) de ce dommage  mais après avoir écarté diverses hypothèses, estime que la cécité dont souffre la patiente a été causée par l’une des interventions, sans pouvoir déterminer précisément laquelle.

Le Tribunal administratif saisi en première instance a reconnu l’existence d’un accident médical non fautif et a accepté la demande d’indemnisation de la patiente. En revanche , la cour d’appel, saisie par l’ONIAM, a considéré qu’en l’absence de certitude du rapport d’expertise sur l’origine du dommage, l’indemnisation ne pouvait être versée.

Le Conseil d’Etat censure cette solution et accepte d’indemniser la requérante. Il précise qu’en l’absence de certitudes médicales permettant d’affirmer ou d’exclure qu’un dommage corporel est imputable à cet acte, il appartient au juge de se fonder sur l’ensemble  des éléments pertinents résultant de l’instruction pour déterminer si, dans les circonstances de l’affaire, cette imputabilité peut être retenue.

Dans ce cas précis, le Conseil d’Etat a considéré que le faisceau d’indices était établi car :

  • les troubles visuels de Mme A. sont apparus quelques jours après l’une des interventions,
  • si l’expert n’a pu déterminer l’étiologie exacte de la cécité, il a estimé qu’elle était imputable aux interventions en relevant son origine corticale,
  • la patiente ne présentait aucun d’antécédent.

Bien sûr, ce raisonnement a pu déjà être adopté à propos des dommages subis au décours d’une vaccination obligatoire ou pour les patientes victimes du Distilbène. Son application est élargie ici aux victimes d’un accident médical dont le rapport d’expertise ne peut ou ne veut se prononcer précisément sur l’étiologie du dommage subi.

Hépatite C transfusionnelle : origine incertaine des produits sanguins

Arrêt de la Cour de Cassation, 1ère civ, 3 février 2016 n°14-22.351

Par cette décision, la Cour de cassation est venue préciser les conditions de l’indemnisation par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), des conséquences des contaminations transfusionnelles.

En l’espèce, après avoir subi différentes interventions chirurgicales, à l’occasion desquelles des produits sanguins lui avaient été administrés, Madame X a appris qu’elle était contaminée par le virus de l’hépatite C.

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